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LOI POUR LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE : INCIDENCES SUR LE DROIT DES INSTALLATIONS CLASSEES
La loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture a été adoptée.
Entre autres mesures, il y a lieu de retenir plusieurs évolutions en matière de droit de l’environnement, qui ont conduit certains observateurs à voir une « régression du principe de non-régression » (principe inscrit dans le code de l’environnement selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment).
En particulier, à l’aune d’un objectif général de souveraineté alimentaire, le texte allège les sanctions administratives et pénales applicables aux élevages relevant de la législation ICPE. Les principales mesures d’assouplissement sont :
La réduction de l’amende administrative : l’article 32 de la loi diminue le montant plafond de l’amende applicable aux élevages fonctionnant sans déclaration ou enregistrement lorsque ceux-ci sont requis ;
La suppression de l’amende pénale : le même article modifie l’article L. 173-1 du code de l’environnement afin de supprimer l’amende pénale pour certains élevages ICPE non enregistrés ou non déclarés.
Notons également que la loi ouvre la possibilité d’abaisser certains seuils des nomenclatures ICPE et IOTA, applicables aux installations et ouvrages liées à l’élevage.
Le texte réduit également les sanctions applicables en cas d’atteinte à la faune ou à la flore protégées, en conditionnant notamment la mise en œuvre de sanctions pénales à une intention coupable ou à une négligence grave.
Enfin, il y a lieu de rappeler que le texte a donné lieu à la censure de plusieurs articles par le Conseil Constitutionnel, et notamment les articles qui visaient à l’instauration de présomptions d’absence de responsabilité, que le Conseil a considéré comme insuffisamment encadrées.
Décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025.
Loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
INSTRUCTION RELATIVE A LA MISE EN ŒUVRE DE l’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE REFORMEE
La loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 et son décret d’application n° 2024-742 du 6 juillet 2024 ont réformé la procédure d’autorisation environnementale, dans l’optique (i) de réduire les délais d’implantation des installations et (ii) de consolider les possibilités de participation du public.
Une instruction des ministères de l’Intérieur et de la Transition écologique, mise en ligne le 8 novembre 2024, vient présenter aux autorités instructrices les principales évolutions et actions requises pour la mise en œuvre de cette procédure réformée.
Ces évolutions sont notamment :
La conduite concomitante des procédures d’instruction des dossiers et de consultation des collectivités et entités concernées ;
La modernisation des modalités de participation du public (notamment grâce à la dématérialisation), désormais impliqué dès le début de la procédure d’instruction.
Instruction du 28 octobre 2024 relative à la procédure d’autorisation environnementale.
MISE EN ŒUVRE DES FACULTES DE REGULARISATION EN COURS D’INSTANCE DES AUTORISATIONS ENVIRONNEMENTALES
Dans l’optique d’éviter l’annulation d’autorisations environnementales affectées de certains vices régularisables, le juge administratif tire de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement le pouvoir de surseoir à statuer et d’inviter le bénéficiaire à procéder auxdites régularisations.
Le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles ce pouvoir de régularisation peut être mis en œuvre :
Après avoir vérifié qu’il n’existe pas de vice autre que celui ou ceux identifié(s) comme régularisable(s), le juge administratif invite les parties à présenter leurs observations sur la décision de sursis à statuer qu’il envisage de prendre (qui peuvent porter sur le caractère régularisable des vices identifiés ou les modalités, notamment le délai, de la régularisation) ;
Si le juge, après avoir pris connaissance des observations des parties, sursoit effectivement à statuer, le bénéficiaire de l’autorisation environnementale doit déposer sa demande de régularisation et l’obtenir dans le délai fixé par le juge. Le délai doit être adapté aux mesures de régularisation à prendre ainsi qu’aux « éventuelles contraintes dont l’ont informé les parties » dans leurs observations. Ce délai ne peut être critiqué que dans le cadre d’un recours contre la décision avant-dire droit.
A l’expiration du délai fixé dans la décision avant-dire droit, le juge statue par une seconde décision, la décision au fond : si la mesure de régularisation lui a été notifiée, il statue après avoir invité les parties à lui présenter leurs observations :
Si le juge estime que la mesure a régularisé le vice, il rejette le recours ;
Si au contraire le juge estime que la mesure n’a pas régularisé le vice ou que la mesure de régularisation n’a pas été notifiée, le juge annule l’AE.
CE, 18 novembre 2024, n° 474372
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Récemment, un Tribunal administratif a précisé qu’une consommation excessive d'espaces naturels, agricoles et forestiers constituait un vice qui pouvait donner lieu à régularisation.
TA Orléans, 10 octobre 2024, n° 2201511
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Encore plus récemment, le Conseil d’Etat a rappelé que le pouvoir de régularisation ne peut pas être mis en œuvre si aucune prescription complémentaire ne permettrait de garantir la régularité de l’autorisation environnementale. Cela peut être le cas d’une autorisation qui porte substantiellement atteinte à la conservation d’espèces protégées.
En pareil cas, le refus du juge n’a pas à être motivé.
CE, 6 novembre 2024, n° 477317
MODALITES D’APPRECIATION DE LA SATURATION VISUELLE DANS LE CADRE DE L’ANALYSE D’UNE DEMANDE D’AUTORISATION DE PROJET EOLIEN
L’instruction des demandes d’autorisations environnementales est réalisée à l’aune des intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement, qui vise notamment la protection des paysages.
L’impact visuel d’un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu’un parc éolien est susceptible de produire, est pris en compte pour apprécier ses inconvénients sur la commodité du voisinage.
Le Conseil d’Etat est venu préciser que, dans ce cadre, l’autorité instructrice procède à une analyse tenant compte de l’ensemble des parcs éoliens existants et autorisés ainsi que sur la configuration spécifique des lieux, notamment les reliefs et les éventuels écrans visuels.
Dans ce cadre, l’autorité instructrice :
peut également tenir compte des projets qu’elle s’apprête à autoriser ;
ne peut en revanche pas prendre en compte des projets qu’elle a déjà refusés.
CE, 13 décembre 2024, n°465368.
PRISE EN COMPTE DE LA PROTECTION DES ESPECES PROTEGEES POUR LA MISE A EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE
Dans le cadre de l’application d’une contravention de grande voirie, la juridiction administrative avait enjoint sous astreinte à un contrevenant de remettre en état le domaine public maritime qui faisait l’objet d’une occupation sans titre (implantation non autorisée d’un quai, d’une dalle, d’une échelle et d’installations connexes).
Condamné par la CAA de Marseille au paiement de cette astreinte, le contrevenant a contesté cette condamnation devant le Conseil d’Etat. Les juges du Palais Royal ont annulé l’arrêt en question, considérant les difficultés rencontrées pour exécuter l’injonction.
En l’espèce, ces difficultés étaient liées à la présence sur les lieux d'une colonie de dattes de mer, espèce protégée au titre d’une directive européenne.
CE, 19 décembre 2024, n° 491592.
QUALITE POUR INTERJETER APPEL EN REFERE ENVIRONNEMENTAL
Dans une décision récente, la Cour de cassation a indiqué qu’une décision rendue par le juge des libertés et de la détention, saisi d'un référé environnemental sur le fondement de l'article L. 216-13 du code de l'environnement, peut être contestée uniquement pas le procureur de la République en appel.
Pour rappel, cette procédure, dont le champ est relativement limité, a vocation à permettre au juge des libertés et de la détention de cesser certaines atteintes à l’environnement, en intervenant notamment en cas de non respect des prescriptions imposées par la police des ICPE, de l’eau ou des mines.
Quand bien même des associations ou des administrés peuvent solliciter du procureur de la République qu’il saisisse le JLD d'un référé environnemental, ces personnes privées n’ont pas compétence pour interjeter appel de la décision du JLD. Cette voie est ouverte uniquement au procureur de la République et à la personne soupçonnée de ne pas respecter les prescriptions imposées par les dispositions, telle que visée par l'article L. 216-13 du code de l'environnement ».
Cass. Crim, 14 janvier 2025, n°23-85.490.
PROPORTIONNALITE DE LA SANCTION D’INTERDICTION DE PERCEVOIR DES AIDES PUBLIQUES
Une juridiction répressive a récemment sanctionné une société exploitant une installation classée pour la protection de l’environnement (en l’occurrence, un élevage porcin).
Compte tenu de la gravité des faits de pollution et de l’importance des non-conformités constatées dans l’exploitation de cette installation, il est à noter qu’une peine accessoire d’interdiction de percevoir toute forme d’aide publique pendant un an a été prononcée à l’encontre de cette société.
Saisie en appel, la CA de Rennes a considéré qu’une telle sanction était proportionnée.
CA Rennes, 17 octobre 2024
A69 : ANNULATION DU PROJET AUTOROUTIER FAUTE DE NECESSITE IMPERIEUSE
Par une décision déjà largement commentée, le tribunal administratif de Toulouse a annulé, sans aucune possibilité de régularisation, l’autorisation environnementale relative à la construction de l’autoroute A69 (53 km entre Castres et Toulouse) et l’élargissement de l’A680 (9 km).
Ces autorisations incluaient des dérogations aux interdictions de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats, que le tribunal a considéré comme disproportionnées et injustifiées compte tenu des bénéfices très limités de ces projets pour le territoire et ses habitants (et ne répondant donc pas à une raison impérative d’intérêt public majeur).
A la suite de cette décision :
Le ministre chargé des transports a indiqué qu'il serait fait appel avec demande de sursis à exécution, dans l’optique de permettre la poursuite des travaux dans l'attente de l’arrêt d'appel ;
Des sénateurs ont déposé le 18 mars 2025 une proposition de loi destinée à valider les arrêtés préfectoraux et reconnaitre une raison impérative d’intérêt public majeur à ce projet.
TA Toulouse, 27 février 2025, n°2303830.
Proposition de loi relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse du 18 mars 2025.
RESPONSABILITE DE L’ETAT DANS L’INSUFFISANCE DE LA LUTTE CONTRE LES ALGUES VERTES
Une association a saisi le TA de Rennes de deux recours : un recours indemnitaire et un recours contre le refus du préfet de consolider les mesures de lutte contre les pollutions causées par les nitrates d'origine agricole, aussi appelées marées vertes.
Ce recours fait suite au phénomène de marées vertes sur le littoral breton : les surfaces couvertes par les ulves (qui se nourrissent de nutriments issus des nitrates émis par l’activité agricole) tendent à augmenter en superficie et en durée.
Or, compte tenu du fait que la concentration moyenne en nitrates a cessé de s’améliorer, le refus du préfet « de prendre des mesures de nature à lutter effectivement contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole sur le territoire breton » a été jugé comme fautif compte tenu de ses obligations au titre de la directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau et de la directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre les nitrates de sources agricoles ».
En 2021, le TA de Rennes avait déjà enjoint l’Etat à renforcer son programme de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates.
TA Rennes, 13 mars 2025, n°2204983 et 2204984.
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